11.12.05
10.12.05
Vendredi (brouillon****)
À 10h, j'ai vu mon psy. Je crois que ce fut notre plus longue séance. Je lui ai raconté tout ce qui s'est passé en 3 semaines, et que vous savez déjà... Il m'a d'abord précisé que pour Janvier ce n'est pas un accord qu'il me donnera, mais une attestation de suivi. J'ignore si la subtilité retiendra l'attention de l'endocrinologue! Ensuite il m'a tenu un discours assez contradictoire: après m'avoir fait part de sa certitude concernant ma transsexualité et le fait que je ne reviendrais jamais en arrière ni ne regretterais quoique ce soit (ou presque) si je me lance dans la transition, il m'informe qu'il continuera mon suivi mais se dégage de toute responsabilité si je commence bientôt. Ca donnait quelque chose comme "Je sais que c'est le parcours qu'il vous faut mais je ne le certifierais pas".
7.12.05
tout ça ne sert à rien
J'ai été ébranlé. Non pas qu'elle m'a fait douté, c'est juste que je suis déçu que cela vienne d'elle. Car cette phrase signifie en fait: "Je ne te considérerais jamais comme un garçon."...
6.12.05
"Le privilège"
Est-ce qu'ils m'accepteront encore?
Apprendre que leur enfant se croit
Etre un étranger dans son corps.
C'n'est pas comme avouer un mensonge,
D'ailleurs, je n'ai pas honte de moi.
C'est crever l'abcès qui me ronge
Et finir en paix avec moi."
5.12.05
Carte d'identité SVP!

Au moins aurais-je un papier d'identité avec ma tête de gamin à présenter au controleur de la SNCF qui ne me reconnait pas sur ma carte 12-25... Tous mes papiers (carte d'étudiant, Imagin'R...) ont une photo où j'apparais les cheveux long et maquillé. Je n'ai pas changé au point d'être devenu méconnaissable, mais certains individus ne font pas le rapprochement entre cette fille et moi, ce qui m'a déjà posé problème à quelques reprises, et dans ces moments là je me dis: heureusement que j'ai encore ma voix de fille, un visage assez féminin... Et quelle galère ce sera lorsque je commencerais à prendre la testo!
2.12.05
Courses de Noël :o)
1.12.05
"Faut qu'on cause!"
Puis elle est partie dans l'un de ses grands monologues sur le bonheur qu'elle a toujours essayé de nous apporter, ou plutôt tout les malheurs et les contrariétés qu'elle voulait nous éviter, nous ses enfants qu'elle a fait si beaux, épargnés par le handicap ou la maladie... Elle est profondément attristée de constater qu'on (je?) ne respire pas la joie de vivre! Que je m'enferme dans ma chambre, que je ne lui parle pas, ou si peu... Le rapport avec la mammographie, la réduction mammaire? Aucun ou alors très lointain! Elle avait simplement besoin de me parler. Mes yeux la fuyait, je n'osais pas croiser son regard qui s'embuait peu à peu. Finalement, on est partie sur un sujet pas vraiment sérieux, pour terminer sur une note moins grave.
Et si je lui avais dit la véritable raison pour laquelle j'ai besoin de faire une mammographie? Je voudrais retourner en arrière, tout lui avouer... Et puis ensuite avoir la possibilité de choisir le scénario que je veux conserver.
Et si la vie était si simple...
30.11.05
Dreams are my reality
Reflexion faite, si un proche m'avait révélé être transsexuel il y a quelques années, je n'aurais peut-être pas réagi aussi bien que mes amis l'ont fait avec moi, dans la logique de l'homophobe qui est en fait un homosexuel refoulé. La première fois que j'ai trouvé le livre "Un homme en elle" de Paul Hewitt à la bibliothèque, je l'ai feuilleté avec un mélange de fascination et de répulsion. Je me souviens avoir pensé quelque chose comme "il est courageux mais tordu, et tu l'es toi aussi si tu envisage sérieusement la même chose ne serait-ce qu'une seule seconde", et de l'avoir remis à sa place. Quelques mois plus tard, c'est-à-dire septembre dernier, je suis allé le chercher et l'ai dévoré dans la nuit.
Pour revenir aux réactions que j'ai rencontré, je crois que personne n'aurait pu soutenir une position clairement hostile, mais ceux qui m'ont accueilli à bras ouverts et sans mot dire ne forment pas la majorité, loin de là. Les tentatives de dissuasion furent plus subtiles: on m'a souvent demandé d'y réfléchir d'avantage, on m'a exposé tout les inconvénients de la chose, les risques que je prenais, pensant que dans une éventuelle euphorie je n'avais pas tout pris en compte. J'ai considéré les arguments de chacun, certains étaient justifiés, d'autres maladroits, aucun ne m'a convaincu d'abandonner.
Peut-on abandonner l'espoir de concrétiser la seule chance d'être soi-même, la seule possibilité de se rapprocher de son rêve?
"Regarde moi, Maman"
Depuis, je suis dans un état de tension épuisant, à tel point que cela m'a vidé de mes forces physiques et je suis incapable de me concentrer sur autre chose. En escalade je n'ai pas pu faire plus d'une voie et j'ai eu du mal à assurer ma partenaire en tête.
Déjà l'incertitude quant à leur réaction, et l'angoisse qui en résulte, ainsi que le mensonge me devenaient insoutenables. Autant j'ai pu mentir à mes parents pour des broutilles ("Non je ne sors pas samedi soir" alors que je passe ma soirée dans un bar), autant lorsqu'il s'agit de ce que je suis et non pas ce que je fait, même le mensonge par omission me dérange. J'ai fait mon coming-out homosexuel relativement tôt, alors qu'il n'était nullement nécessaire. Or dans le cas de la transsexualité, le coming-out "n'est pas une option" (où ai-je lu cela?). Ce n'est qu'une question de temps.
L'idée de départ était d'attendre janvier pour l'annoncer à mes parents, sur une volonté de ma soeur et dans l'optique de ne pas gâcher le voyage au Vietnam (20 Décembre - début janvier) avec mon histoire. Elle persiste en me conseillant de conforter ma mère dans ce qu'elle s'est imaginé, m'inventant des problèmes de dos pour justifier la réduction mammaire. Je doute de pouvoir soutenir à ma mère, les yeux dans les yeux, un tel mensonge et redoute de compliquer mon coming-out.
Je ne sais ce que je vais faire ou raconter, mais je rêve qu'à l'instant même ma mère franchisse le seuil de ma chambre, entre même sans frapper, et qu'on en finisse maintenant... Juste pour m'endormir apaisé ce soir, libéré de la perspective d'une conversation avec à la clé un énorme mensonge ou une affreuse vérité...
29.11.05
Endocrino

J'aurais des injections de testostérone tout les 15 jours, et non pas toutes les 3 semaines comme la plupart des trans hormonés. Bientôt (tout est relatif), ma voix va muer, mes poils vont pousser, mes muscles se développer... Et mon acné va réaparaitre! Pour ceux qui se souviennent de ma crise d'acné il y a quelques années (pas si éloignée que ça d'ailleurs), vous comprenez mon malheur! Heureusement, le "Roi Cutane" ^^ n'est pas contre-indiqué...
À présent, je dois faire une batterie d'analyses et de "graphies" en tout genre: mammographie, echographie pelvienne, echographie abdominale, etc... avant de reprendre rendez-vous.
Mais surtout! Je dois l'annoncer à mes parents. Il me tarde d'être en janvier...
28.11.05
à la fac

"- vous comprenez, vous êtes la première étudiante (sic).... donc il faudrait prendre rendez-vous avec le directeur du centre Henri Pieron". Ok. En ce qui concerne les chargés de TD que j'aurais, ce sera au cas par cas. Pour ma carte d'étudiant, on peut la refaire. Pour ce qui est des formulaires, de l'administration, ils ont émis diverses hypothèses. Mais il faut voir avec le directeur, et ils souhaiteraient que je les revois par la suite pour leur expliquer ce qu'il adviendra finalement de moi, ce que le directeur décidera, "parceque il y en aura d'autres et grâce à vous on pourra mieux les informer."
"- En fait j'ouvre la voie c'est ça?"... Futurs élèves trans de Paris V psycho, vous ne nagerez pas dans le brouillard! Je vais tracer le chemin, mettre des balises lumineuses, vous ne serez pas perdu.
Enfin ils se sont inquiétés de mon entourage. Si je m'étais fait des amis, s'ils étaient au courant de la situation, ce qu'ils en pensent... parceque je risque d'endurer les remarques désobligeantes de certains camarades, donc "il (me) faut un noyau dur auquel (me) raccrocher". Eh, Solenne, Cléo, Tonce, vous entendez? Je me raccroche à vous!
Résumé: je suis pas plus avancé.
P.S: La photo n'a aucun rapport, si ce n'est que je suis avec Cléo :o)
27.11.05
retour sur le passé - épisode 5

Le 9 août, j'ai loué un scooter pour me rendre à l'île de Ré, en face de l'église de Sainte Marie, point de rendez-vous avec Vivi. Je vais éviter les "mon coeur exultait de joie" et autre "quel bonheur de..." pour raconter les épisodes de ma vie dont elle fait partie, si elle passe par là je pense qu'elle appréciera que je m'abstienne ;o). Du coup, je zappe sur le déroulement de la journée, et j'en arrive à l'instant où je lui remet la lettre. J'avais souhaité qu'elle la lise en ma présence, mais reflexion faite, je n'aurais eu ni réaction, ni commentaire à chaud, donc il ne fallait pas compter sur une discussion.
Dans la soirée, j'ai reçu un texto d'elle: une promesse de lettre en réponse, et cette phrase: "sache juste que le sujet ne m'étonne absolument pas, au contraire j'attendais que tu l'abordes enfin...". J'ai souri, j'étais rassuré: tout va bien alors, puisqu'elle le savait.
Le lendemain matin, dans la salle de bain de la chambre d'hôtel, ce fut la révélation: j'ai cessé de voir Caroline dans le miroir, il me renvoyait non pas une image, mais mon reflet, ma perception de mon identité; c'était moi, c'était Carot. Alors je me suis dit tout haut quelque chose comme: "toi, t'es un vrai mec!" (c'est risible, je vous l'accorde :o)). Il me semble qu'enfin j'existais, puisque Vivi savait, me connaissait. Et je fus alors remplie d'un immense soulagement, d'une confiance en moi énorme et d'une grande espérance en un bonheur et un bien-être prochain. Tout cela en même temps: c'était grandiose.
26.11.05
Retour sur le passé - épisode 4

Transsexuel: adj. qui a le sentiment d'appartenir au sexe opposé (à son sexe biologique) et se conduit en conséquence.
La définition me correspond. J'ai vécu pendant 5 ans dans la peau d'une homosexuelle, et cela ne m'a jamais posé problème, pourquoi ai-je tellement mal à accepter que je puisse être "transsexuel"? Et qu'est-ce qu'il est laid ce terme!
Ce jour là, je décide de me confronter à la transsexualité. Je passe une nuit entière sur l'ordi, à effectuer de multiples recherches. J'apprend le vocabulaire, lis des dizaines de témoignages, épluche les forums... Je me reconnais dans les propos d'un tel, j'ai ressenti la même chose que cet autre, celui là m'émeut particulièrement. Je me sens moins perdu, moins seul. Mes yeux s'éteignent, la fatigue m'assaille, mais je reste encore longtemps sur le net; j'ai peur que ce monde disparaisse si je me couche, surtout je redoute de me voiler la face au réveil (il ne s'est rien passé, ce que j'ai lu ne me correspondait pas, oublions tout ça). Alors je laisse un message sur un forum, titré "une bouteille à la mer". Et surtout, j'envoie un texto à Vivi sans rien lui dire de ma révélation, mais lui demandant seulement de ne pas me laisser faire l'autruche; avec ça je ne pourrais revenir en arrière!
Dans la foulée, j'ai commencé à rédiger une lettre pour tout lui expliquer. "Il s'avère que je puiss être transgenre"... Ce fut un choc pour elle lorsqu'elle a lu, mais ce fut tout aussi difficile pour moi de l'écrire. "Transgenre". Pourquoi pas transsexuel? Sur le moment je n'envisageais pas de faire une transition, d'entamer un parcours. Les hormones, les opérations, l'administration, la désaprobation... Je ne pensais pas pouvoir endurer tout cela.
Le lendemain, j'avais déjà reçu deux réponses à mon post sur le forum. Dont celle de Julien, que je remercie encore içi, car il m'a apporté les réponses dont j'avais besoin:
""avant", je me disais : je suis une fille pas canon, mais pas trop moche non-plus vu que je plais, et j'essayais aussi de me "plaire" à moi-même ainsi. J'ai oscilé longtemps entre "garçonne" et "féminine" : "garçonne", c'était la façon de me retrouver, "féminine" c'était celle de donner aux autres ce qu'ils attendaient de moi. "garçonne" j'étais bien "mais...", "féminine" j'étais mal "mais...", car au final, d'un côté comme de l'autre, je n'avais jamais la possibilité que "Julien" s'exprime dans son intégralité, tout simplement.
Maintenant, je ne me pose plus la question. Je vis et évolue tel que je suis : un FtM. Mon "équilibre" s'y retrouve.
Je ne vais pas te dire que c'est plus "façile" qu'avant. C'est "différent" : c'est MOI, dans mon intégralité, donc je l'assume et l'affirme avec force et conviction."
"(...) Demandes toi "qui" t'as mis sur cette île au milieu de la mer, pourquoi, puis t'a laissé grandir seul, avec cette fausse culpabilité envers toi-même pour seul bagage. N'attend pas qu'on vienne t'y rechercher, construit ton propre radeau et tu verras, la mer n'est pas si grande que tu ne puisses un jour relier TA terre promise, celle où il fait bon vivre, communiquer avec autant d'êtres en nombre qu'ils en sont différents :o) Mais n'y vas pas pour trouver le "pardon" de l'être qui t'as mis là, vas y créer TA vie, amuses toi à la découvrir. On ne grandit que par le jeu, regarde les petits, puis les ados, puis les adultes, comment font ceux qui réussisent ? Le jeu !...celui dont on se fait soi-même les règles, comme quand on était petit... Sagit pas de tuer, de voler, de violer, juste de VIVRE... crée Ta vie, ne la subis pas, n'attend rien d'elle, attend tout de toi, espère tout de toi... mais avance et ne t'arrête que lorsque tu te sentiras CHEZ TOI... en toi et hors de toi à la fois..."
"tu verras que "le petit garçon" qui sommeille en toi, qui n'a jamais pu grandir, n'est pas si "vilain" qu'il ne t'y parait actuellement, que c'est même un type vachment bien et fort apprécié des autres. Puis c'est également là que tu pourras avoir la certitude de savoir ce qui est bon POUR TOI, que tu fasses par rapport à ton corps. Mais une chose est certaine, tu en prendras enfin soin, car tu l'aimeras enfin, que ce soit ton corps de "fille" ou ton futur corps de "garçon"."
retour sur le passé - épisode 3
Quelques jours plus tard, j'écrivis à Vivi à propos de cette soirée:
"Lorsque je t'ai retrouvé, de vieux démons m'ont repris. Le conflit qui m'habite, la cause de mon mal être, a repris de plus belle. C'est pour ça que je me suis assise après, et que je suis partie. Je suis allé dans les toilettes me passer de l'eau et me fixer dans les yeux (ça m'arrive parfois) et n'étant pas en état de mener à bien une réflexion je suis rentrée chez moi. Les jours qui ont suivi j'ai compris contre quoi je luttais et que ce combat n'aurait pas de fin. Aussi mes problèmes sont-ils insolubles. Déjà réaliser cela soulage, je vais pouvoir arréter de cogiter vainement."
Lorsque je me suis fixé dans les yeux, dans le miroir, j'ai aperçu, furtivement, Carot. Il était là, au fond de moi, je ne pouvais m'en débarasser.
Les jours qui suivirent, on s'est apprivoisés. Après s'être affronté des années dans ce corps, on a décidé de régler la question ensemble, de cohabiter calmement. Je lui ai laissé la parole, et il a répondu à mon précédent poème. C'était le 1er juillet 2005, la veille de mes 18 ans.
Tes efforts furent vains pour me réduire au silence
Agitations inutiles qui n'ont fait que renforcer ma présence
Il faut que tu te fasses une raison car tu ne peux me tuer
Je n'en tire nulle satisfaction : j'aurais préféré ne pas exister
Entre nous, pas de vainqueurs. Le combat sera éternel
A cause de nous, que de douleurs pour cet être charnel
Il n'est qu'impuissance face à ces démons qui l'habitent
- Que nous sommes ! - et qui le tiraillent et l'agitent
Tu t'es proclamé l'esprit qui se conjugue avec ce corps
Comme si tu étais seul ici ; qu'en est-il de moi alors ?
Bien sûr, j'en suis conscient, il ne me va pas. Difficile avec lui
De s'accorder. Mais c'est mon domaine et partir, je ne le puis.
Il faudra bien qu'avec nous deux, nous tous il compose
Un personnage qui nous ressemble. Impossible ! Tout nous oppose
Ses opinions, ses orientations, ses choix sont sujets à tourments
Nos débats interminables sur tout ce qui est important
- Quoique parfois nous tiraillons aussi pour ce qui n'est qu'accessoire
Et ce serait drôle si cela semblait moins une bataille, plus une foire –
Bien que son cœur nous ait mis d'accord sur la personne
Lorsqu'il s'agit de gérer sentiments et relation les canons résonnent
Tu réalises qu'en fait, j'ai toujours été à tes côtés
Mais aujourd'hui je t'inquiète en dévoilant mon identité
Il est temps pour moi que j'intervienne dans le contrôle
De ce corps, de cet être. Tu ne pourras me mettre en geôle
Je ne me laisserais enfermer. Me censurer te sera dur
Je le sais, je nous conduis dans une impasse... ... où est le mur ?
retour sur le passé - épisode 2


Je sais que quelque chose ne va pas
Est-ce pure bêtise de ne pas chercher quoi
Se présentent à moi doutes et hypothèses
Mais je ne veux rien savoir, rien entendre
Que ce bruit sourd dans ma tête se taise
Je ne veux rien savoir, rien comprendre
Je voudrais nier, faire semblant d'ignorer
Tais-toi, je t'en pris, car tu me fais mal
Silence ! Que ma vie garde son cours normal
Arrête tes douloureuses insinuations
Laisse moi, je veux rester dans la négation
Je connais l'existence de cette possibilité
Est-ce lâcheté ? Je ne veux rien confirmer
Dis moi, à quoi servent les certitudes
Lorsqu'elles remettent tout en question ?
Alors oublions ce navrant interlude
Dans un même élan cessons l'introspection
Je voudrais renier tout ce que j'ai appris
Sur l'être bizarre et frustré que je suis
Alors comprend que la suite est redoutée
Même et surtout si tu détiens la vérité
Ce que tu affirmes ne pourrait me libérer
Alors cesse – c'est un ordre – de m'interpeller
Je ne veux pas, je ne veux plus t'écouter
Si un jour tu prends ma voix et que tu dis
Que tu doutes et pourquoi j'interdis toute discussion
Je te ferais menteur et traître. Voleur de vies.
Je me ferais mentir. La peur est un solide bâillon.
retour sur le passé - épisode 1
Pourtant je n'ai pas toujours été dans cet état d'esprit. J'ai longtemps nié, refusé d'accepter l'évidence, bailloné ce garçon qui existait en moi, j'ai essayé de le supprimer... "À cette époque, je ne le réalisais pas encore tout à fait, mais je ne pouvais vivre sans lui alors que lui pouvait très bien vivre sans moi." (Yanni Kin).
Je n'ai pas envie de réécrire mon histoire, car il se pourrait que je l'interprète par le biais de tout ce que je sais aujourd'hui, mais je vais içi relater certains épisodes, pour pouvoir apprécier le cheminement qui m'a fait arriver là, et pour ce faire sans dénaturer la réalité du moment, m'appuyer sur des écrits de l'époque.
Retour un an en arrière: le 4 Novembre 2004, j'écrivais dans mon journal: "Je me suis bien adapté au fait d’être une fille, la preuve je me sens à peu de choses près bien dans ma peau, mais j’ai tout de même toujours été terriblement frustré de ne pas être née garçon (enfin né garçon, et je me rappelle d’une époque où j’écrivais à la première personne en accordant tout au masculin, et là pour raconter ma vie je vais faire une légère digression, et la maîtresse me corrigeait sans cesse, sans se douter qu’il ne s’agissait pas là d’une simple faute de grammaire mais d’une certaine forme de lapsus) lorsque j’aimais. Même si je savais pertinemment que ce n’est pas le simple fait que je sois garçon qui ferait que tel fille m’aime en réciproque. Il faudrait peut-être que je rectifie : je suis toujours frustrée d’être une fille dans le cadre sentimental. Je ne deviendrais pas transs pour autant ! On s’habitue à tout." Je fais remarquablement bien l'autruche, vous l'aurez remarqué!
Comment puis-je affirmer être bien dans ma peau alors que peu de temps auparavant j'avais éclaté en sanglots en plein milieu de cours, sans raison apparente, et mes pleurs ne cessèrent qu'au bout d'interminable efforts? Je ne savais pas pourquoi je pleurais, j'avais juste l'idée que quelque chose ne pouvait durer, que ca n'allait pas... L'infirmière m'a dit quelque chose comme: "j'étais sûre que cela arriverait un jour. Tu paraissais trop heureuse pour l'être réellement." Et elle avait terriblement raison; mon bonheur était feint et je me livrais chaque jour à une remarquable interprétation du bien-être.
Il faut noter que la frustration de ne pas être né garçon se ressentait surtout "dans le cadre sentimental", car dans ce domaine (ma manière d'aimer, de vivre sentiments et attirances), et malgré tout mes efforts pour enfoncer ma tête dans le sable, je ne pouvais nier la part de garçon qui vivait en moi. Il est probable alors que si je n'avais pas été en couple si longtemps, je n'en serais pas là aujourd'hui. Il fallut du temps pour que le malaise soit palpable, du temps pour que cela me devienne insupportable, du temps pour réaliser que ce qui est si flagrant dans ma relation de couple, mon identité masculine, etait en fait sous-jacent dans tout le restant de ma vie. Cela veut-il dire que sans Virginie je serais encore une fille? J'en aurais encore l'apparence... J'aurais joué le jeu jusqu'à ce qu'un électrochoc me fasse réaliser que la vie n'est pas un théatre où j'ai à interpréter un personnage, mais simplement à être moi-même. C'est bien plus difficile, mais tellement plus gratifiant! Sans elle, j'aurais perdu des années à attendre le déclic.
24.11.05
kool

Dernière situation où il est arrivé que l'on me prenne pour un gamin: hier, au bar tabac, je prenais un verre avec Sophie et Claire (soit dit en passant, cela m'a fait très plaisir de vous revoir!) et me lève pour aller m'acheter un paquet de cigarettes:
"- vous avez des pall mall los angeles?
- non.
- bon.. un paquet de kool alors s'il vous plait".
et le buraliste avec un petit sourire en coin "mais vous avez quel âge jeune homme?"! Je m'y attendais pas à celle là! Et le poivreau d'à côté qui me regarde avec désaprobation.
"- J'ai 18 ans.
- mais oui c'est ça!
- Je vous assure, je peux aller chercher mon passeport si vous voulez!" (et là dans mon fort intérieur: "je veux pas aller chercher mon passeport! il me prend pour un mec. quelle humiliation s'il s'excusait!") . "Si je vous dit que j'ai 18 ans!"... Il y croyait pas, mais il s'en fout le buraliste de vendre ses clopes à des gamins. Je retourne à la table avec mes kool, du coup je m'en grille une direct!
Quelque temps après, Claire et moi allons aux toilettes. Elle me laisse celles des hommes et se dirige vers la porte des femmes. Lorsque je me lave les mains en sortant des WC j'entends la voix du buraliste: "bon allez vous pouvez me le dire maintenant, vous avez quel âge!"... Je réponds que j'ai toujours 18 ans, et là Claire arrive et confirme mes propos: "c'est vrai monsieur, il a 18 ans!...vous lui donnez quel âge?". Se souvenant subitement qu'il m'a vendu des clopes: "bah... Je dirais 16 ans! mais 18 ans... Il fait drôlement jeune! - et s'adressant à moi - quand vous aurez 50 ans vous en paraitrais 20!" Je ne réponds pas.
Lorsqu'on me prend pour un garçon (et que l'on persiste dans la vérité), je m'esquive au plus vite pour que la personne reste sur cette impression! et que je puisse garder l'idée que, parfois, je passe.
Je passe, ok, mais je rentre pas en boîte!
23.11.05
salle d'attente

Aujourd'hui, si je la revoyais, à cette même question je répondrais également: en attente. En attente d'être hormoné et "post-op", d'être un garçon à part entière.
Et l'après-bac alors, qu'en est-il? J'étudie lorsque l'envie me prend, et contre toute attente je squatte les amphis et réponds présent aux TD; parfois même je révise chez moi! Je sors si je veux et quand je veux. Je m'organise des petites virées à la montagnes. Je gère mon emploi du temps comme je le souhaite. Je profite.
Mais je pourrais mieux profiter si j'étais, pour l'université, l'administration, tous mes amis et ma famille, ce que je suis à l'intérieur. Si l'on pouvait me considérer pour ce que je suis et non ce que je parais être, ce qu'il y a d'écrit sur mes papiers. Si mon miroir ne me renvoyait pas une image détestable... Il me semble qu'alors je pourrais savourer ma vie.
22.11.05
Inauguration
C'est pas que je sois foncièrement intéressant ou que j'ai quoique ce soit à raconter qui vous tienne en haleine jusqu'à la fin! M'enfin bon...
Je n'ai jamais tenu un journal plus de deux mois, alors ce blog n'aura pas une espérance de vie bien longue. Autant être prévenu!
En tout cas, s'il dure, s'il présente un quelconque intérêt, ne serait-ce que pour moi, il sera le témoin de ma vie et le journal de bord de ma transition.
D'où le titre: "Deviens ce que tu es. Fait ce que toi seul peut faire." (Nietzsche)
Ce blog répond à une nécessité: relater cette période de ma vie me paraissait être important.
Je suis à un sérieux tournant de mon existence! Je dois décider de mes études, mon orientation professionnelle, bref le métier que je veux faire, ou encore ce qui va conditionner le restant de ma vie. Je dois apprendre à m'assumer et me responsabiliser pour quitter (fuir?) le giron familial.
Et surtout, je veux passer du féminin au masculin. Cette transition occupant la majeure partie de mes reflexions (et non pas de mes pensées, qui vaguent vers de multiples directions), j'ai du mal à assurer pour le reste! Mais rien n'est plus important, plus urgent, plus essentiel pour ma vie qu'elle... alors, tant pis si le reste est un peu mis de côté pour le moment.