26.11.05

retour sur le passé - épisode 1

Je suis transsexuel, je fais avec, je l'assume et lorsque je serais arrivé au bout du parcours, je crois bien que je serais fier du chemin parcouru car je vais devoir faire preuve de courage, de volonté et de ténacité... Mais je n'aurais aucun mérite en arrivant à la fin; les soldats de Stalingrad avait-il du mérite d'avancer vers les lignes ennemies lorsque l'on sait que derrière attendait une rangée de fusil pour abattre ceux qui battait en retraite? Je ne peux pas retourner en arrière.

Pourtant je n'ai pas toujours été dans cet état d'esprit. J'ai longtemps nié, refusé d'accepter l'évidence, bailloné ce garçon qui existait en moi, j'ai essayé de le supprimer... "À cette époque, je ne le réalisais pas encore tout à fait, mais je ne pouvais vivre sans lui alors que lui pouvait très bien vivre sans moi." (Yanni Kin).
Je n'ai pas envie de réécrire mon histoire, car il se pourrait que je l'interprète par le biais de tout ce que je sais aujourd'hui, mais je vais içi relater certains épisodes, pour pouvoir apprécier le cheminement qui m'a fait arriver là, et pour ce faire sans dénaturer la réalité du moment, m'appuyer sur des écrits de l'époque.

Retour un an en arrière: le 4 Novembre 2004, j'écrivais dans mon journal: "Je me suis bien adapté au fait d’être une fille, la preuve je me sens à peu de choses près bien dans ma peau, mais j’ai tout de même toujours été terriblement frustré de ne pas être née garçon (enfin né garçon, et je me rappelle d’une époque où j’écrivais à la première personne en accordant tout au masculin, et là pour raconter ma vie je vais faire une légère digression, et la maîtresse me corrigeait sans cesse, sans se douter qu’il ne s’agissait pas là d’une simple faute de grammaire mais d’une certaine forme de lapsus) lorsque j’aimais. Même si je savais pertinemment que ce n’est pas le simple fait que je sois garçon qui ferait que tel fille m’aime en réciproque. Il faudrait peut-être que je rectifie : je suis toujours frustrée d’être une fille dans le cadre sentimental. Je ne deviendrais pas transs pour autant ! On s’habitue à tout." Je fais remarquablement bien l'autruche, vous l'aurez remarqué!
Comment puis-je affirmer être bien dans ma peau alors que peu de temps auparavant j'avais éclaté en sanglots en plein milieu de cours, sans raison apparente, et mes pleurs ne cessèrent qu'au bout d'interminable efforts? Je ne savais pas pourquoi je pleurais, j'avais juste l'idée que quelque chose ne pouvait durer, que ca n'allait pas... L'infirmière m'a dit quelque chose comme: "j'étais sûre que cela arriverait un jour. Tu paraissais trop heureuse pour l'être réellement." Et elle avait terriblement raison; mon bonheur était feint et je me livrais chaque jour à une remarquable interprétation du bien-être.
Il faut noter que la frustration de ne pas être né garçon se ressentait surtout "dans le cadre sentimental", car dans ce domaine (ma manière d'aimer, de vivre sentiments et attirances), et malgré tout mes efforts pour enfoncer ma tête dans le sable, je ne pouvais nier la part de garçon qui vivait en moi. Il est probable alors que si je n'avais pas été en couple si longtemps, je n'en serais pas là aujourd'hui. Il fallut du temps pour que le malaise soit palpable, du temps pour que cela me devienne insupportable, du temps pour réaliser que ce qui est si flagrant dans ma relation de couple, mon identité masculine, etait en fait sous-jacent dans tout le restant de ma vie. Cela veut-il dire que sans Virginie je serais encore une fille? J'en aurais encore l'apparence... J'aurais joué le jeu jusqu'à ce qu'un électrochoc me fasse réaliser que la vie n'est pas un théatre où j'ai à interpréter un personnage, mais simplement à être moi-même. C'est bien plus difficile, mais tellement plus gratifiant! Sans elle, j'aurais perdu des années à attendre le déclic.

Aucun commentaire: