29.7.11
Est-ce la fin du début ou le début de la fin ?
2.7.11
Huan
Papa
L'annonce de sa transformation m'a conduit à une rétrospective tant par les photos, films ou anecdotes qui aurait pu ou dû m'alerter.
Il est très difficile pour un père de déceler dans le comportement de son enfant l'appartenance à un autre sexe. Il est plus facile de l'attribuer à un comportement de "garçon manqué" ou une adolescence difficile, période où l'on recherche son identité.
À ce jour, j'approuve sans réserve cette demande de changement d'identité afin qu'Éric puisse avoir une vie sociale et professionnelle normale.
Je délivre la présente attestation conformément à l'article 202 du NCPC étant parfaitement informé que celle-ci sera produite en justice.
Pour servir et faire valoir ce que de droit.
Fait à Paris le 8 décembre 2009.
20.11.10
Biographie pour le dossier de changement d'identité
Je suis né(e) dans une clinique parisienne, le .... Baptisé(e) Caroline, ..., ..., en référence à mes origines française, vietnamienne et espagnole, je suis le troisième enfant de ma mère qui a eu une fille d’un précédent mariage, et mon frère, âgés respectivement de 21 et 3 ans à ma naissance.
De ma petite enfance, je n’ai naturellement que peu de souvenirs ; ceux que l’on m’a raconté, les photos, les vidéos se sont substitués à ma mémoire. J’ai notamment l’image d’une petite fille longeant les murs de la cour de récréation de la maternelle, serrant très fort son lapin en peluche aussi grand qu’elle, alors que les autres jouaient et couraient ensemble autour du train en bois, et d’autre encore, me montrant à chaque fois dans mon coin, timide et réservé, au cours d’une semaine qui fut filmée par la maîtresse et dont j’obtenu la cassette des années plus tard.
Je fus plus sociable en primaire ; électron libre, j’étais admis dans tous les groupes et mini clans de notre classe, aussi bien pour jouer à chat perché avec les filles qu’au foot avec les garçons. Je me souviens du bonheur avec lequel j’ai récupéré tous les jouets délaissé de mon frère entré au collège, son ballon de foot en mousse, sa sacoche de billes et de pogs grâce auxquels je devins le roi de la récré !
C’est à cette époque, entre 6 et 9 ans, que je me faisais appeler Éric dans les jeux de rôles ; c’était un nom de prince, et je retrouvais tous les mercredis après-midi ma « princesse » au centre aéré, Tiphaine, je lui offrais des bouquets de fleurs imaginaires en patins à roulettes, et la maisonnette en bois était notre château. Un jour, à l’heure des mamans, je l’ai demandé en mariage… Et l’histoire s’arrêta là !
Quelque soit le jeu de rôles, je prenais systématiquement un personnage masculin : que l’on rejoue le Roi Lion, qu’on simule une famille, que l’on soit au Far-West, j’étais Simba le lionceau, le Papa ou un cow-boy… Je jouais bien au Barbie chez ma meilleure amie, mais uniquement avec les Ken. Mais je préférais de loin la collection de Legos de mon cousin…
Cela ne me semblait pas bizarre, ou malsain, ni à moi ni à ma famille je crois. Hormis l’obligation de porter une robe un ou deux jours par semaine, ma nature de garçon manqué n’était que rarement contrariée. Après tout, je partageais les jeux des enfants qui m’entouraient, et mis à part à l’école, je côtoyais surtout des garçons. Mon grand frère, tout d’abord, mes deux grands cousins avec qui nous partions souvent en vacances, et aussi les voisins, à la campagne.
Tous les week-ends et la plupart des petites vacances, nous partions dans notre maison de campagne, dans le Loiret, et là nous retrouvions Cédric, mon âge, et Jérome, celui de mon frère. À deux ou à quatre, nous avons fait les 400 coups : grimper aux arbres, rodéos avec les moutons, dévaler des sentiers dans les bois à vélo, construction de cabanes, de barrages, plonger d’un pont dans le canal,… J’étais également inscrit au club de pêche du village, et Papa nous emmenait chaque mois ou presque faire de la moto-cross ou du quad.
En somme, on peut dire que j’ai eu une enfance plutôt heureuse et bien remplie…
Insouciant comme tout les enfants, je ne me préoccupais guère du regard des autres à l’époque. Ma garde-robe était essentiellement constitué des vêtements trop petits de mon frère et de mes deux cousins, j’adorais les chapeaux et casquettes de tout genre (vrai chapeau de cow-boy souvenir d’Arizona, toque de trappeur canadien, casquette de capitaine de bateau…), ne craignant pas le ridicule de les porter en toute occasion ! J’étais aussi peu pudique ; je me souviens de m’être fait gronder à l’école, en CM2, un soir à l’heure d’études, parce que ayant trop chaud, je m’étais tout simplement mis torse nu… Pourtant, à cet âge là, mes seins commençaient à apparaître.
Tout allait changer au collège. Entre la 6ème et la 5ème, je passa d’un petit 85A à un 95B. Je me souviens de m’être rendu compte que des seins me poussaient dessus lors d’un bain, dont le niveau d’eau parfaitement calculé immergeait totalement mon corps jusqu’alors… Et de les voir deux îles sortir des flots, comme ça, j’ai réalisé. J’avais souvent rêvé être un petit garçon, j’avais souvent espéré, m’étant même identifié au personnage principal d’un livre, « La Cicatrice », un enfant priant et négociant avec Dieu chaque soir pour que le bec de lièvre qui défigurait son visage disparaisse au petit matin… Alors que je savais, concrètement, que j’étais une fille. Parce que j’avais une zézette, et les garçons un zizi. Mais à cette âge là, on peut s’imaginer que cela va pousser dans la nuit… Ce soir là, j’ai réalisé qu’il fallait se résigner.
En 5ème, j’ai eu mes règles, et ai effectué mon premier achat de vêtement féminin : un t-shirt bleu, un peu cintré. Le premier jour où je l’ai porté en cours, ma classe m’a applaudi… ! Cela faisait un moment que les filles me disaient d’arrêter de m’habiller comme un garçon, de me maquiller, de me faire les ongles, de me détacher les cheveux… J’avais accompli le premier pas vers la féminité et on m’avait complimenté toute la journée. Dès lors, puisque je ne pouvais me plaire à moi-même, j’avais décidé de plaire aux autres. J’assortissais mes gros pantalons baggys avec des petits hauts moulants, je me mettais même un peu de crayon noir autour des yeux au lycée… Mais jupes et robes ne trouvèrent toujours pas grâce à mes yeux, ma démarche n’avait rien de féminine, mon attitude non plus.
En fait, j’ai oscillé longtemps entre « garçonne » et « féminine » : « garçonne », c’était la façon de me retrouver, « féminine », c’était celle de donner aux autres ce qu’ils attendaient de moi. « Garçonne », j’étais bien, mais… « Féminine », j’étais mal, mais… Car, mais je ne le réaliserais que bien après, au final, d’un côté comme de l’autre, je n’avais jamais la possibilité qu’Éric s’exprime dans son intégralité, tout simplement.
J’ai mis du temps à me découvrir, à m’accepter et m’assumer trans ; j’y reviendrais. Mais ce qui a toujours été naturel pour moi, c’était de préférer les filles… C’est en 5ème que j’appris qu’une fille qui aimait les filles, c’était une lesbienne, une gouine, et que ce n’était pas forcément normal pour tout le monde. Il n’y avait même pas le PACS à l’époque… En 4ème, je l’avoua à quelques amies, et puis le bruit s’est répandu et très vite je fus la « goudou de service », subissant quelques railleries mais ne perdant pas un ami pour autant. J’ai toujours su me faire un entourage ouvert d’esprit, en tout cas susceptible de s’ouvrir aux différences, pour peu qu’on leur explique… J’ai fait toute ma scolarité dans le privé catholique, autant dire que ce n’était pas gagné d’avance ! Et cet entourage, ces amis du collège, puis du lycée, sont toujours présents actuellement.
J’avais un cœur d’artichaut, et ne cessais de fondre pour telle fille de la classe, telle amie de longue date, telle rencontre de vacances… Tout en étant bien conscient qu’elles m’étaient inaccessibles, puisque hétéro ! C’est en 3ème que je rencontra celle qui sera ma première petite amie, Virginie, mais à ce moment là elle craquait, elle aussi, pour un garçon et gardait ses distances avec moi… Elle devint vite une de mes meilleures amies, et un an plus tard, à la surprise générale, une histoire commença à s’écrire. Des lettres, des messages, des rapprochements hésitants, et puis le premier baiser. Cela allait durer 5 ans…
Me voici donc au lycée, au pire de mon adolescence, au niveau zéro de communication avec mes parents. Je prépare le Bac ES, et malgré des résultats scolaires satisfaisants, les amis et la copine, il y a des soirs où me prennent de furieuses envies de cogner un arbre, un mur à mains nues, jusqu’à en avoir les phalanges en sang ; il y a des jours où j’éclate en interminables sanglots, sans raison apparente. Cela m’est arrivé en cours, une fois ; je ne savais pas pourquoi je pleurais, j’avais juste l’idée que quelque chose ne pouvait plus durer, que ça n’allait pas… L’infirmière m’avait dit quelque chose comme : « J’étais sûr que cela arriverait un jour. Tu paraissais trop heureuse pour l’être réellement. ». Et elle avait terriblement raison.
Je lui ai demandé de convoquer mes parents pour leur demander de m’envoyer chez un psy ; une professeur au collège avait déjà évoqué l’utilité d’une quelconque thérapie pour mon cas, mais ma mère était radicalement contre. Elle se résigna cette fois ci et je commença à voir une psychologue spécialisée dans l’enfance et l’adolescence. Je sais que nos conversations ont grandement aidé mon cheminement intérieur, même si ce n’est pas elle qui m’a révélé à moi-même.
En vérité, si je devais attribuer cela à quelqu’un, ce serait Virginie, par sa seule présence à mes côtés. Je l’ai déjà dit, j’ai toujours été frustré de ne pas être né garçon, mais je m’en étais accommodé, et surtout, je pensais ne pouvoir rien y faire. Cette frustration s’amplifiait dans ma vie sentimentale, car dans ce domaine (ma manière d'aimer, de vivre sentiments et attirances), et malgré tout mes efforts pour enfoncer ma tête dans le sable, je ne pouvais nier la part de garçon qui vivait en moi. Mais fallut du temps pour que le malaise soit palpable, du temps pour que cela me devienne insupportable, du temps pour réaliser que ce qui est si flagrant dans ma relation de couple, mon identité masculine, était en fait sous-jacent dans tout le restant de ma vie.
Mais d’autres éléments m’ont aiguillés à cette période, notamment un livre sur lequel je suis tombé par hasard, à la bibliothèque municipale, intitulé « Un Homme en Elle » ; j’ai lu la quatrième de couverture, et découvert alors une information essentielle : je l’ignorais jusqu’alors, mais il existait des transsexuels homme nés de sexe féminin. Il était possible de passer de l’un à l’autre. Mais je ne l’ai pas emprunté, plutôt effrayé par la perspective que cela laissait entrevoir…
À cette époque, une autre question existentielle me taraudait : qu’allais-je faire de ma vie ? Plus précisément, quelle étude choisir, vers quelle carrière me tourner ?
De ma petite enfance à aujourd'hui j'ai aspiré à des métiers aussi divers et variés que : détective privé, pompier, coiffeur pour hommes, ermite (ce n'est pas un métier mais c'était "ce que je voulais faire plus tard"), archéologue voir paléontologue, reporter, garde-forestier, berger, écrivain public, photographe, agriculteur, chauffeur de taxi, militaire, père au foyer, cordiste...
Fin terminale, je suis resté fixé sur « militaire ». À l’époque, tout était clair pour moi : une fois mon bac en poche, j’allais prendre quelques mois pour me mettre à niveau physiquement, puis essayer une prépa militaire ; si mon désir de m’engager se confirmait, j’allais envoyer mon dossier, passer haut la main les tests de recrutement et intégrer l'école de sous-officiers de Saint Maixent.
Comment raconter, expliquer, décrypter, le cheminement intérieur qui m’a amené à prendre conscience de ma nature profondément masculine et à accepter la seule voie qui me permettait d’être en accord avec moi-même… Je ne suis pas Zweig ! Mais en quelques mois, cette idée qui m’obsédait, que je refoulais, s’est peu à peu imposée à moi. Je commençai à l’avouer à quelques proches amis, à ma copine, à me renseigner concrètement sur le parcours que je comptais entreprendre. Les cheveux courts, la poitrine bandée, j’ai eu le droit à 18 ans à mes premiers « jeune homme », qui me remplissaient d’allégresse.
Je n’ai jamais cherché à brûler les étapes, au contraire, je trouve plutôt saine la méthode anglo-saxonne « in real life » qui demande au transsexuel de vivre quelques mois, un an, dans son genre, avant d’en arriver à l’irréversible, c’est-à-dire les opérations. Ce temps est également profitable à l’entourage, qui a le temps d’assimiler l’idée et d’aborder ces étapes cruciales avec moins d’appréhension.
J’ai 18 ans donc, le Bac en poche avec mention, et mon projet d’entrer dans l’armée qui s’écroule puisque, tout simplement, en tant qu’homme, j’étais trop petit.
En Septembre 2005, je rentre à la fac de psychologie de Paris V, un peu par goût, un peu par hasard… J’y suis resté un semestre, sans avoir séché un seul cours : les études m’intéressaient, pas les débouchés. J’ai pensé que, quitte à perdre une année, autant travailler : ma transition réclamait un budget conséquent, entre les visites médicales (psy, analyses, etc.), le renouvellement de ma garde-robe (costumes, chemises, cravates !).
Mon père m’a alors pistonné dans un restaurant gastronomique, je devins aide-cuisinier et fus séduit par l’univers des fourneaux, par le rythme, la passion des cuisiniers, par toute une profession que je découvrais.
Septembre 2006, je suis rentré à l’école Grégoire Ferrandi pour passer un CAP cuisine en alternance, une formation courte d’un an. Ayant commencé mon traitement hormonal pendant l’été, je réussis à intégrer l’école en tant qu’Éric, et par la même occasion mon entreprise.
J’existais enfin tant dans la sphère amicale et intime que dans mon univers professionnel et scolaire !
Septembre 2007, mon CAP en poche, j’obtins un poste de cuisinier dans un bistrot, filiale du Marcande.
Il était temps pour moi d’avancer, et surtout de me débarrasser de mon encombrante poitrine.
En 2 ans, j’avais rencontré, réellement ou virtuellement, d’autres personnes dans mon cas, certains ayant déjà obtenus leurs nouveaux papiers, d’autres qui commençaient à peine à s’affirmer… Bref, une petite communauté où, heureusement, l’entraide est de mise, et la diffusion des informations une priorité. C’est ainsi que j’ai suivi plusieurs FtM* dans leurs mammectomie en France, en Belgique, en Angleterre et aux Etats-Unis. J’ai vite constaté que, si en France on maîtrisait la technique dite « péri-aréolaire », adaptée aux petites poitrines, les résultats de « double incision », que je recherchais, étaient très aléatoires et nécessitaient souvent de coûteuses retouches pour parvenir à un résultat fort peu esthétique. Mon angoisse était bien compréhensible : et si l’opération ratait au point que je ne puisse jamais me mettre torse nu à la plage, par exemple, ou que je sois pétrifié de honte quand il s’agirait de me dévoiler à mon amie…
Ma sœur, mariée à un Américain, vivait à Washington D.C. à ce moment-là, et je cherchais l’occasion de lui rendre visite et voir mes neveux. Je commençai alors à loucher du côté des chirurgiens américains, et je réalisai que beaucoup de FtM français, et d’autres nationalités encore, se rendaient à San Francisco, chez l’un des rares seuls chirurgiens spécialisé dans cette opération : il ne fait que ça depuis 20 ans, et cela se ressent forcément sur la qualité des coutures, la symétrie du torse… J’ai été emballé par ses résultats, et avec le faible taux du dollars, l’opération ne me coûtait pas plus cher qu’en France ou en Belgique.
Je contactais donc ce chirurgien et obtenu une date : le 4 février 2008.
Ma sœur m’aida pour organiser ce voyage : départ le 31 janvier avec ma mère pour deux semaines à San Francisco, puis convalescence chez elle, à Washington D.C., deux semaines également.
Je suis rentré en homme nouveau, accueilli par tous mes amis lors d’une grande soirée. À plusieurs reprises, on me demanda de dévoiler mon nouveau torse, et j’acceptais avec fierté !
Enfin bien dans ma peau, libéré de l’angoisse d’être « grillé » dans les vestiaires au travail, ne craignant plus d’étouffer sous mes t-shirts compressifs et bandage près de la chaleur des fourneaux, j’ai entrepris une nouvelle recherche de travail avec ce dernier problème en tête : comment expliquer le décalage entre l’identité sous laquelle je me présentais, Éric, et le prénom inscrit sur mes papiers d’identité, ma carte vitale, mon RIB, mon pass navigo, etc. Surtout dans ce milieu, la restauration, que l’on imagine très machiste, souvent avec raison…
Par chance, je réussis un entretien d’embauche dans un grand hôtel parisien, avec restaurant étoilé, en ne dévoilant pas un mot de tout ce qui me tracassait au Chef avec qui je le passais. Je n’osai tout simplement pas. Heureusement, car il ne l’appris jamais au final. C’est en fait à la DRH que j’exposai mon problème et elle décida de m’embaucher au nom d’Éric C.. Ainsi, je pu évoluer dans l’entreprise sans qu’aucun de mes collègues n’apprennent mon passé.
Dans la même période, je quittai le bercail pour emménager dans mon appartement. Je suis resté un an et demi dans cet hôtel et ce fut pour moi l’apprentissage de la vie active et adulte… au masculin.
Il me fallait repasser par un bloc opératoire pour pouvoir mettre un terme à mon existence de sans-papier, et en juillet 2009 je rentrais au centre chirurgical d’Asnières pour une hystérectomie complète.
J’aimerais pouvoir écrire la suite présumée de ma biographie, tous les projets que j’ai en tête, les rêves que je poursuis, les pays dans lesquels j’aimerais travailler… Mais là n’est pas le sujet, et cela ne pourra s’écrire qu’à la condition d’être reconnu par mon pays, et que l’administration française m’accorde officiellement l’identité sous laquelle je vis depuis déjà 4 ans…
* FtM : de l’anglais « female to male », se dit d’un transsexuel homme, né de sexe féminin.
Dialogue avec moi-même
Tenir ce blog jusqu'à la fin de mon "parcours", de cette "transition" débutée il y a 5 ans, jusqu'à ce que je tienne dans mes mains de nouveaux papiers d'identité.
J'ai d'ailleurs pensé à attendre ce moment pour écrire la page finale, mais ça ressemble à quoi de laisser plus d'un an de black out, comme ça ?
- Mais déjà pourquoi avoir déserté pendant tout ce temps ?
Sans raison particulière. J'écrivais déjà de moins en moins, et ma vie continuait dans ce sens, de moins en moins intéressante du point de vue de ce blog. Les rares fois où une anecdote aurait eu du sens, et apporté de la nouveauté, cela me semblait... indécent, à publier. Au sens propre comme au figuré: déplacé, mal venu d'étaler les détails de ma vie intime ici. Il y a eu l'épisode du Cap Vert, mes problèmes de passeport, mais j'ai été emporté dans un tel tourbillon par la suite que j'en ai oublié de le raconter. Et ce voyage m'a apporté tant d'autres souvenirs que je ne suis pas revenu là dessus.
- En résumé tu censures ce qu'il a de plus intéressant et tu oublies le reste. Reste que par rapport à ta transition, il y avait quelque chose d'essentiel tout de même qui reste en suspens: tes papiers ? Tu n'attends que ça, on sait, mais concrètement, ça en est où ? T'as une avocate, t'as monté un dossier, pourquoi ne pas raconter tout ça ?
Mon audience aura lieu le 30 novembre, au tribunal de Nanterre. Comment dire ? Toute cette partie, le côté administratif du parcours trans, me fait déjà tellement, infiniment chier en soi que je n'ai pas ressenti le besoin d'en tartiner 3 pages en sus. Globalement, monter le dossier a pris une éternité. Réunir les papiers, les attestations, les photos, en discuter avec l'avocate, retirer ceci, expliquer cela. Rien que ma biographie m'a pris un mois. Un mois de flemme de m'y coller.
En vérité, je l'ai pondu en une nuit, en bricolant autour des idées centrales que je devais aborder selon l'avocate, grappillant ici ou là quelques phrases dans ce blog. J'ai même récupérer un passage qui n'est pas de moi. Tiens, puisque j'en parle, elle pourrait avoir sa place ici, non ? Bien sûr, il faut préciser, "d'après la vie ou les réelles opinions d'Eric C.", parce que il y a quand même quelques léchages de bottes, quelques tournures qui disent "regardez moi, m'sieur dame, je suis un bon petit trans, hétérosexuel et travailleur, avec une éducation catholique de surcroît".
Bref, le dossier était finalement plié au printemps dernier, j'ai eu une audience mi-octobre reportée pour non disponibilité de mon avocate, alors dans douze jours, inch'allah... Je pourrais me mettre à attendre le jugement.
- On touche du bois. Et au final cette année, tu nous la fait en ordre chronologique, par thème, par anecdotes ?
La première option, j'ai besoin d'un fil conducteur sinon je ne sais par où commencer... Alors autant débuter là où j'en était au précédent post : au restaurant boulonnais, le Cap quelque chose. Une équipe essentiellement féminine, une bizarrerie en cuisine. Une brigade où l'on écoutait de la musique, du hard rock à la chanson française, où l'on dansait le zouk à l'heure du nettoyage. En plus de Sabrina, la chef, et du patron, Manu, elles furent trois à connaître "mon secret". Camille, la sous-chef, avait été en seconde dans le même lycée que moi; avant même que je sois embauché, lorsque la chef a recu mon C.V, elle s'est souvenu de Caroline C., mais d'aucun Eric... D'où, au final, la réaction "facile" de Sabrina, qui devait déjà s'en douter. Mais tout ça, Camille ne me l'a raconté qu'au bout de 2, 3 mois, sur les quais de Seine, parce que j'avais commencé à en parler. Charlotte aussi, chef de partie, était au courant depuis longtemps, par Sabrina, sansque je m'en doute; nous n'avons abordé le sujet que vers la fin de ma période au Cap et je n'en ai voulu ni à l'une, ni à l'autre car l'indiscrétion de l'une a été compensé par la discrétion de l'autre et qu'au final tout n'était que bonnes intentions.
Je ne peux pas m'empêcher de digresser ici, pour donner mon avis sur ce "secret", qui n'est pour moi qu'une particularité, qu'un élément de mon identité globale et que je ne cherche pas forcément à cacher.
Au contraire, non seulement je ne peux lier de liens amicaux sans dévoiler mon passé, parce que sinon cela me condamne aux mensonges, aux bricolages avec des faits originaux pour adapter mes expériences avec celles d'un mec bio, mais il m'arrive de faire mon coming-out comme ça, pour rien, avec une personne que je ne reverrais certainement jamais, ou qui ne compte pas beaucoup pour moi. Juste pour engager la conversation là-dessus et, peut-être, ouvrir de nouveaux horizons. Je ne peux compter le nombre de fois où l'on m'a dit "je ne m'en serais jamais douté", "c'est la première fois que j'en vois un en vrai"...
parce que pour le commun des mortel de ce pays, trans c'est la population du bois de Boulogne, les ladyboys thaïlandaises et les shemales sur les sites pornos; ça confond les genres (ignorant souvent l'existence des FtMs) et ça englobe les travestis dans le lot. Avec un peu de chances ils auront vu ou entendu parler d'une émission ou d'un film qui traite le sujet intelligemment, ou alors ils sont gays ou lesbiennes. Mais faire partie des LGB n'empêche pas toujours le rejet des T, on en a vu êtres les pires transphobes.
Serait-ce plus simple, les gens seraient-ils plus tolérants, la société moins transphobe si chacun pouvait identifier "trans" à une personne, plutôt qu'à un cliché ? C'était déjà le pari d'Harvey Milk, pour les gays, il y a trente ans. J'ai gardé en mémoire ce discours dans le film, où il enjoignaitses amis et partisans à faire leur coming-out auprès de leurs familles, de leurs amis, de leurs collègues, parce que leur cause ne pouvait avancer que si la population réalisait que les "homos" c'étaient en fait leur boulanger, leur avocat, le voisin d'à côté, le cousin germain... Un chemin qui reste à parcourir pour les trans. Pour moi qui me suis tellement éloigné du mouvement associatif et de la communauté trans, c'est un peu comme mon dernier acte militant.
- D'accord, et le lien avec tes collègues ?

Au final, qu'importe qui a appris quoi comment, j'étais heureux de ne pas être "dans le secret" justement et d'avoir pu discuter et répondre à leurs éventuelles interrogations. J'en venais à la troisième, Gwendoline, commis au garde-manger. C'est moi qui lui ai raconté. Pour tout ce que j'ai raconté auparavant, parce que j'avais envie d'être honnête avec elle, parce qu'elle me plaisait et que de sa réaction dépendait... Quoique je ne savais pas forcément à ce moment là ce que je ressentais pour elle. Mais qu'importe, rien que pour cette raison je lui aurait annoncé tôt ou tard.
Je peux énoncer tous les arguments pour expliquer ma démission du Cap, en mars, que le bateau allait de toute façon être abandonné par le capitaine et ses chefs de partie, donc ce ne serait plus la même cuisine, que l'offre d'emploi était une promotion, de nouvelles responsabilités et une liberté de création, la vérité c'est que je m'en tiens à règle simple et conne: pas de flirts, pas d'histoires en entreprise. Le moins possible. Sinon c'est les cancans, c'est les prises de têtes qui viennent vous chercher jusqu'au travail, j'ai déjà donné merci. Alors quand un dimanche soir Sabrina m'appelle pour lui proposer de partir avec elle dans un petit bistrot du 17ème, et que le lendemain Gwen m'apprenait qu'elle avait rompu avec son copain, ce fut comme 1+2=3, une évidence: je démissionne et tente ma chance avec elle.
Ce fut un ascenseur émotionnel, une fille qui est capable de tout donner et tout reprendre très vite, dire que tu représente l'homme idéal et le prouver, pour te larguer par tchat facebook un mois plus tard... Une très belle expérience, un souvenir doux-amer.
La durée de cette histoire correspond à mon passage à l'Ampoule (le nom a été déformé), bistrot où j'officiais donc en cuisine avec Sabrina, plus l'apprenti Geffrey, deux filles s'occupant dela salle. Une ambiance familiale, décontractée, où l'on ouvrait quelque fois une bouteille de vin pour le repas du personnel et où d'anciens employés passait le vendredi soir pour prendre un verre. J'en fais parti désormais. J'y suis resté un peu plus d'un mois, à peine, le temps de réaliser que le patron, qui gérait plusieurs restaurants, ne jouait pas franc jeu avec nous. Sabrina voulait démissionner tôt ou tard, j'ai choisi le plus tôt possible, y voyant l'opportunité de prendre de grandes vacances me permettant de retourner au Sénégal voir ma soeur et sa famille.
Et me voilà donc en mai 2009, un voyage d'un mois à travers le

Sénégal et le Cap Vert. Le festival de jazz de Saint-Louis en solo, puis ma meilleure amie m'a rejoint à Dakar et nous sommes partis une semaine en vadrouille dans le Sénégal Oriental, retour via le Sine-Saloum et le village des coquillages, puis retour sur Dakar, visite de l'Ile de Gorée et journée au Lac Rose. Aurélie rentra en France puis... (extrait du journal de ma soeur, Taï c'est moi:) "Alors que Taï lit le guide sur le Cap Vert, il découvre qu’il lui faut un visa, information que son agence de voyage a omis de lui transmettre. Il est 13h, l’ambassade est ouverte jusqu’à15h, il n’y a qu’à y aller immédiatement sur place. Nous vérifions au téléphone : le service des demandes de visa ferme à 12h … Il faudra y aller demain mais quand récupérer le visa ? L’ambassade sera fermée le samedi et lundi il sera trop tard. Je rassure Taï en lui disant qu’en Afrique tout est possible.
[Le lendemain] En allant à l’ambassade travailler, je dépose Taï afin qu’il s’occupe de son visa. En milieu de matinée, les nouvelles sont bonnes : contre une somme de plus de $100 et des photos à aller faire, le visa pourra être délivré le jour même. Puis cela se gâte : le passeport dit sexe féminin et Taï ne ressemble pas à une fille du tout. Les officiers consulaires demandent davantage de papiers. On joint le bureau de maman à Paris afin de faxer lesdits papiers. Le consul m’appelle personnellement ! Puis oublie de transmettre un message à Taï. On perd une bonne heure à s’attendre, le fax ne fonctionne pas, le tout au milieu de mon propre travail très prenant puisque je pars une semaine [...]. Moi qui voulais partir du bureau vers 11h, je ne peux décoller qu’à 15h ! Quand je récupère Taï, un nouveau problème a émergé : il faut être vacciné contre la fièvre jaune. Il l’est puisqu’il est déjà venu au Sénégal et que le vaccin dure dix ans mais il a oublié son carnet de santé pour le prouver."
De mon point de vue, cette matinée à l'Ambassade du Cap vert fut interminable. Remplir les papiers, trouver où me faire faire des photos d'identités dans ce quartier de Dakar que je ne connaissais pas, attendre deux heures plongé dans mon bouquin, au point de ne pas entendre, de ne pas comprendre cet appel "Caroliné, Caroliné" dans un espèce d'accent afro-portuguais, mais lorsque toute la salle d'attente me regarde je réalise qu'il s'agit de moi. Je me rends au bureau et l'on me dit que Mme la consul souhaiterait me voir, qu'il y a un problème avec mon passeport. Mme la Consul m'explique dans un français impeccable bien qu'hésitant, elle s'en est excusé plusieurs fois, que le passeport avec ce prénom et un F ça colle pas avec le jeune homme barbu qu'elle a en face d'elle. Et moi de lui expliquer la situation. Elle me demande si j'ai des papiers officiels qui l'atteste, je lui réponds oui, mais pas sur moi. Les douanes ne me laisseront pas passer. Mais si, mais si, j'argumente en racontant toutes les frontières que j'ai déjà traversé sans rencontrer de problème. Elle reclame des justificatifs. Je ne peux pas, je ne les ai pas, n'ai pas le temps de les lui apporter avant la fermeture du consulat (13h, mais j'y suis resté jusqu'à 15 finalement). Pourquoi ne pas avertir les douanes et je m'expliquerais à l'aéroport. Au pire, il n'y a qu'à vérifier, pas besoin de papiers, ma transsexualité est écrite noir sur blanc sur mon corps, en sexe et en cicatrices. Je n'ai pas proposé de me foutre à poil dans son bureau, mais presque. Sauf que ça n'aurait servi à rien, je sais bien que le document officiel, la paperasse c'est l'alpha et l'omega du système administratif. Alors j'ai appelé Cathy, puis mes parents à Paris. Je ne sais plus ce qu'ils ont dégoté au final, un compte-rendu d'opération, une lettre de mon psy ?
Je l'ai eu mon visa, et le problème du vaccin de la fièvre jaune a attendu mon retour du Cap Vert au Sénégal pour me tomber dessus, à l'aéroport de Dakar. Pas de vaccin ? Pas de problème, pour 10 000 CFA on te délivre un carnet de santé international, tout neuf. Avec Caroline, mon nom de famille écorché, et un M coché dessus. Classe.
"Caroline ? C'est vraiment votre prénom ?" "Oui", et les trois controleurs de passeport, avant la remise des bagages, qui se mettent à glousser. Même question, même réponse, et la vendeuse du tabac duty-free me dit avec un grand sourire que c'est drôle, au Sénégal ils ont pas mal de filles portant des noms d'hommes, parce que la tradition exige que si le père meurt lorsque la femme est enceinte, l'enfant à naitre prendra son prénom, quelque soit son sexe (bien sûr l'inverse ne marche pas si la mère meurt en couche, elle a fait son boulot), mais qu'elle n'avais jamais vu un cas comme moi, d'où ça vient ? Je lui réponds que mes parents aurait sûrement préféré une fille à ma naissance...
Parfois il n'y a pas de question: un regard sur moi, un regard sur le passeport, puis il revient vers moi, puis vers le passeport... Et sans un mot, la fille se tire du guichet. Après Cathy m'expliquera qu'elle est allé à la borne biométrique. Le seul lecteur pour les passeports biométriques de tout l'aéroport de Dakar. À n'utiliser qu'en cas de sérieux doute, donc. Elle revient, dix minutes plus tard, et commence l'enregistrement des bagages...
- Toi qui te vantais d'avoir voyagé à l'étranger à 5 reprises sans avoir jamais eu d'incidents...
J'aurais mieux fait de me taire. On ajoute à ça presque deux jours en cumulation de retard de vol dans ce périple, des bagages qui ne parviennent pas à destination, on peut dire que j'ai été choyé.
Enfin bref, après un mois au soleil, je suis parti directement dans le froid des alpes françaises et italiennes pour un rallye d'anciennes voitures avec mon père.
Ensuite est venu le temps des Solidays; j'avais déjà été bénévole l'année dernière, et enthousiasmé par l'expérience j'ai réitéré, en m'engageant aussi pour le montage et le démontage des installations. J'ai vécu, parlé, respiré Solidays pendant près de trois semaines !
À nouveau une petite digression pour parler cette fois-ci du regard des gens sur les cicatrices que j'ai sur le torse. J'y pense parce que la première fois que je me suis mis torse nu en public, c'était aux Solidays 2008, et cette année je tombais le t-shirt bénévole dès que je n'étais plus en fonction (je faisais le ramassage des détritus). Avant mon opération, je savais que je garderais des cicatrices, si possible esthétiques, mais en tout cas visibles. Je pensais que l'on me regarderait le torse avec cet air d'inquisition, ce regard qui t'évalue de la tête au pied pour considérer si tu es un garçon ou une fille, qui cherche des indices, qui m'a poursuivi à une époque... Mais je m'en foutrais, parce que je serais heureux, et fier. Finalement, que ce soit sur la plage, dans le parc, en concert, ... ce sont les gens qui s'en foutent. Très peu de regards insistants, le passant lambda manifeste une certaine indifférence ou ne remarque rien. Tant mieux.
Au début, je me disais que j'aurais toujours la possibilité de faire réduire mes cicatrices au laser, maintenant je ne l'envisage plus une seconde. C'est comme un tatouage, une scarification, un souvenir inscrit dans la peau...
La parenthèse est close, j'en étais où ?
- Après les Solidays...
Bah rien. La glandatitude absolu pendant deux semaines. Histoire de récupérer. J'ai vaguement recherché du taf, eu un entretien d'embauche d'une heure et demi non-concluant (le premier de ma vie, en passant).
Et puis Sabrina m'a appelé. Elle travaillait désormais en tant que seconde dans un hôtel**** près du Louvre et ils cherchaient encore du monde. J'y ai commencé fin juillet et me senti vite comme un poisson dans l'eau, l'hôtellerie est vraiment un univers différent de la simple restauration et c'est là que j'ai fait ma meilleure expérience, donc j'ai rapidement trouvé mes marques. J'y suis encore et espère y rester un an. Ensuite...
1.11.09
Marronnier 09


16.8.09
Complications
AS (ante-scriptum): je m'excuse par avance du pavé et d'avoir la flemme, pour l'instant, de l'agrémenter d'images qui le rendrait plus attrayant.
Je n'ai pas d'introduction pour raconter ce qui va suivre. Je ne sais pas trop par où commencer. J'ai pensé débuter l'histoire par mon entrée à l'hôpital, mais cela n'a pas de sens. Je ne peux pas faire l'impasse sur les heures ou les jours précédents, je suis même tenté de mettre le commencement de ce chapitre à la fin du précédent, c'est-à-dire à ma sortie du centre chirurgical d'Asnières, le 22 juillet. Non, trop long et inutile. Disons simplement que je n'ai en aucun cas respecté ma convalescence et commis bien des imprudences. J'ai eu des fuites urinaires, des saignements, puis plus rien. Alors j'ai continué.
Une semaine après mon opération, j'étais à la campagne, avec une cousine de ma mère (disons une tante, c'est plus simple), ses deux filles, mon neveu et ma nièce, tous âgés de 14 à 6 ans, et je passais mes journées avec eux. Feu de camps, nuit blanche, piscine, jeux de société, cache-cache dans les champs de maïs... Je me ménageais quelques peu au début, et me sentant en forme je participait de plus en plus à leurs activités... J'évitais de faire du vélo mais je sauta sur l'occasion d'une ballade à cheval... Je prenais le scooter... Bref !
Samedi 1er Août, rien à signaler dans la matinée, quelques longueurs dans la piscine mais aucune activité débordante. En milieu d'après-midi, invité à prendre un café chez les voisins, je demande à aller aux toilettes et je constate quelques saignements. Sitôt rentré à la maison, je mis une serviette hygiénique et retourna à mes occupations. Une heure après, il me fallu changer de serviette. Il y avait toujours dans les placards les vestiges de ma féminité et mes protections contre les cycles mensuels... Je pris le paquet "nuit", dont les serviettes sont sensées tenir 8h. Vers 19h, je commença à avoir des maux de ventres et m'allongea, mais quand l'heure du repas sonna, je pris de l'Efferalgan et rejoins la famille. Je n'ai pas fini mon assiette. De retour aux toilettes, je réalise que j'expulse des caillots de sang. Cela m'était déjà arrivé pendant les règles, alors je me suis dit qu'il ne servait à rien de s'alarmer et de déranger tout le monde, que la nuit portait conseil et que même, si ça se trouve, tout irait mieux demain. J'ai une forte tendance à apaiser et dédramatiser les situations, mais d'habitude cela ne me fait pas occulter les faits inquiétants. Comme devoir changer de serviette (nuit) au bout de 3/4 d'heure. Il me fallait dormir, et oublier, je me suis alors roulé un bon Bob qui me donna quelques vertiges et m'emporta au pays des songes.
Au petit matin, rien n'avait changé. J'ai décidé de prendre un bain et de réfléchir à la solution opportune: appeler S.O.S médecin ou carrément aller aux urgences -un dimanche, au mois d'août-. Je cherchais en m'immergeant un moment de répit car habituellement, pendant mes règles, l'eau arrêtait les saignements. Là il n'en fut rien, et en un battement de cil je me suis retrouvé dans la Mer Rouge, avec des caillots gros comme ma paume de main flottant à mes côtés. Les urgences. Le temps de m'habiller, de passer un coup d'éponge sur le sang qui maculait le sol, le rebord de la baignoire... J'ai trouvé ma tante dans la cuisine et lui ai expliqué la situation. Ni une, ni deux, elle fonça chez la voisine pour demander où m'emmener et comment y aller. Je pris le nécessaire: carte d'identité, carte vitale, paquet de tabac, feuilles OCB.
Sur le trajet en direction de l'hôpital d'Amilly, dans le Loiret, j'ai demandé deux fois à la voiture de s'arrêter pour aller changer de serviette dans un champs, ou derrière un arbre... J'expulsais alors des caillots toutes les 20min. Arrivé à l'hôpital, je cherchai encore les toilettes dans le couloir menant aux urgences. Et ma tante, ayant trouvé les urgences, me chercha pendant que j'étais aux toilettes. Au final, arrivé à l'accueil, j'ai raconté en deux phrases mon malheur: "J'ai eu une hystérectomie il y a plus d'une semaine. Je perds du sang." "-Beaucoup ?" "- Oui." Elle me demanda de contourner le comptoir pour entrer dans une pièce où m'attendait un fauteuil roulant, de là on m'emmena dans une chambre à porte coulissante et je fus allongé sur un brancard. Ma tante me raconta par la suite que les gens qui attendait, assis, à l'accueil des urgences, protestèrent contre ma rapide admission ! Je comprends qu'ils n'aient pas jugé mon cas plus important que le leur, puisque je m'étais présenté manifestement valide, marchant sur mes deux pieds, et sans traumatisme apparent...
Allongé donc, en caleçon, un drap me recouvrant tout le bas du corps, je vis 3 personnes s'activer autour de moi, à vérifier mes constantes vitales (pouls, tension artérielle, fréquence respiratoire, température), me toucher, me palper, me piquer, récolter les premières informations de mon dossier... Puis un médecin m'annonça que je devais subir un examen gynécologique, donc être envoyé à ce service, avant de, ajouta-t-il, peut-être pouvoir rentrer chez moi ! À ce moment là, dans ma tête, je disais "non, mais ça va pas, vous pouvez pas me renvoyer dans cet état !"... Je me sentais, depuis le trajet en voiture, de plus en plus affaibli et mes maux de ventre, violents, revenaient par intermittence. Peut-être disais-t-il cela pour me rassurer, mais ce fut l'effet contraire. Et comment pouvais-t-il avancer une telle chose alors que personne n'avait encore soulevé le drap, personne n'avait constaté la fréquence et la quantité de sang que je perdais !
J'attendis une dizaine de minutes, peut-être plus, avant qu'un brancardier ne m'emmène au service gynéco. Il laissa mon lit dans le couloir, où j'attendis la gynécologue de permanence ce jour là. Mais depuis qu'on m'avait pris en charge, je n'avais pu me changer, mon sang débordait de ma serviette, de mon caleçon, je décidai tout bonnement de l'enlever. La Doctoresse arriva et me donna ma première culotte jetable muni de sa protection (qu'ils appellent pudiquement "garniture") -il y en eu tant d'autres-. L'examen se révéla impossible; elle me demanda si j'avais déjà eu des relations sexuelles avec pénétration vaginale, je répondis par l'affirmative et elle choisi alors un instrument d'une taille moyenne qu'elle tenta d'insérer dans mon vagin afin d'y voir quelque chose... Mais j'ai hurlé de douleur dans la seconde. Elle essaya deux autres tailles et ces tentatives échouèrent également. Finalement, je passa dans une autre salle pour une échographie pelvienne. Elle me demanda si j'avais mangé aujourd'hui. Deux prunes vers 7h, je n'avais mangé rien d'autre, ni bu de la journée, et je compris ce que cela signifiait: il était question de jeûne, et donc d'opération... Sauf qu'on ne savait pas d'où venait les saignements, l'échographie ne rendant pas grand chose, il me fallait un scanner.
À partir de là, je ne quittai plus mon lit et ma journée fut un défilé de plafonds - plafonds de couloir, d'ascenseur, diverses pièces, différents étages -...Pour les étapes essentielles: on me ramena au service des urgences, dans ce que j'appellerais la "salle d'attente des brancards": nous y étions 6 à se croiser, à part moi, que des octogénaires. Une infirmière vint me chercher et m'emmena dans une pièce pour me faire un bilan sanguin (six tubes) et m'installer mon intraveineuse. Puis on m'emmena au scanner. Salle d'attente. Pièce privé pour changer ma "garniture". Salle d'attente. Service gynéco, où le brancardier, le même que la première fois, me fit "j'vous ramène à l'échographie, j'sais pas pourquoi" sans que je ne lui demande rien. Mais c'était encore une autre pièce que la première visité, munie d'un siège gynéco, je retrouva ma doctoresse qui confirma qu'il fallait m'opérer et expliqua que le scanner avait bien révélé les saignements mais que l'on ignorait l'origine, pour compliquer la chose elle ne pouvait chercher des indices dans mon compte-rendu opératoire de l'hystérectomie (j'y reviendrais à la fin), et que là elle allait m'installer une sonde urinaire, et un autre truc dans le vagin mais cela m'arracha des cris de douleurs et elle se résolu à le faire pendant mon anesthésie. Elle me prévient alors que l'opération se ferait par incision abdominale, c'est-à-dire la procédure que je voulais éviter lorsque j'ai choisi l'hystérectomie que la coelioscopie. Mais à ce moment là, tout m'était égal. On me conduisit alors dans la chambre qui allait être mienne pour toute mon hospitalisation. J'étais arrivé à 11 heures aux urgences, il é
tait 16h40 et mon opération était prévu pour 17 heures.
Je n'attendis pas longtemps que l'on vienne me chercher, direction le bloc opératoire...
Mon réveil fut terrible: à la seconde où j'ai ouvert les yeux, j'ai ressenti une douleur fulgurante, au ventre, à la tête, partout, je ne savais pas où, mais j'avais mal, je pleurais, je hurlais. Entre deux convulsions, je ressentais un besoin irrépressible de vomir ou de cracher, et je crachais tant que je pouvais, alors que ma gorge était sèche comme le désert... Mais étant toujours sous les effets de l'anesthésie, le monde extérieur, la salle de réveil, le médecin m'apparaissaient flou, comme dans un rêve. J'ai entendu que l'on m'engueulait pour que j'arrête de cracher, et puis j'ai entendu "cannabis" et l'on m'a demandé si je fumais, je décrocha un oui, "régulièrement ?", la deuxième affirmative fut un effort terrible, entre deux spasmes. J'ai entendu "morphine"... Et puis plus rien.
J'ai repris conscience dans ma chambre, une heure plus tard, peut-être deux. Une infirmière était en train de m'installer une intraveineuse, et je découvris que d'autres tuyaux sortaient de mon corps : la sonde urinaire était reliée à une poche d'urine accrochée à mon lit, de même que la poche qui recueillait le sang évacué par le drain qui me sortait du ventre, en bas à droite. Je constata avec soulagement que j'avais trois pansements, sur les trois cicatrices originelles de ma coelioscopie, et aucune incision abdominale. La docteur m'expliqua par la suite qu'avec la caméra, ils ont pu vérifier que les saignements provenaient exclusivement du vagin, dont les points de sutures avaient sautés, et qu'il n'y avaient aucune autre lésion dans mon ventre donc ils ont pu se passer de me taillader le bide.
Je n'avais plus de douleurs particulières, mais je me sentais toujours extrêmement mal, faible et fiévreux. Et surtout, je mourrais de soif. Il était dimanche soir et je n'avais pas bu depuis la veille et bien que l'intraveineuse était sensé me réhydrater, elle ne pouvait calmer ma gorge en feu. Mais je ne pouvais boire à cause de l'anesthésie, et les infirmières me donnèrent des compresses humidifiées, à passer sur les lèvres, ce qui déjà m'apaisait quelque peu... à peine. J'essayais de sucer, d'aspirer l'eau de ces compresses, mais chaque goutte me donnait la nausée et je vomis de la bile plusieurs fois. Je m'endormis.
Lundi matin, petit déjeuner. Un bol de thé, deux sucres, deux biscottes et du beurre. Je me suis forcé à terminer. Vint le moment de la toilette et ma rencontre avec mes deux infirmières préférées; elles firent passer agréablement un moment extrêmement rabaissant, à la fois gênant et infantilisant: se faire nettoyer comme un bébé à qui l'on change sa couche. Elles discutaient, riaient, plaisantaient et me faisaient parler. La toilette du haut fut une autre histoire. Il me fallait être assis, sur une chaise située juste à côté de mon lit, et me nettoyer à une bassine. Je mis déjà un petit bout de temps à me redresser sur le lit, à bouger mes jambes, à prendre le réflexe de les mouvoir ensembles, et non pas l'une après l'autre au risque de déchirer à nouveau mon vagin. Ensuite j'ai dû m'accrocher en serrant mes bras autour de la taille de l'infirmière - qui sentait fort bon, un parfum agréable et rassurant - pour descendre du lit et faire les deux pas jusqu'à la chaise. M'asseoir me causa quelques vertiges et la sonde urinaire me fit franchement mal. L'autre infirmière m'apporta un coussin gonflable troué au milieu et je pu commencer à me savonner.
Je n'ai plus quitté mon lit de la journée, qui se passa entre lectures, sieste, visites de ma gynéco, des infirmières venant vérifier mes constantes, changer mes intras (-veineuses) ou répondant à mon appel, sieste, visite de la famille, sieste...
J'ai eu beaucoup d'intras: des petites poches, des grandes, des flacons, que cela soit des anti-douleurs ou des médicaments. En milieu d'après-midi, j'ai appris que j'avais perdu tellement de sang que j'avais frôlé la transfusion. J'étais maintenant anémique et fut gratifié à ce titre d'une poche noire, dont le sombre liquide devait s'écouler jusqu'au lendemain. L'infirmière m'a expliqué ce qu'elle contenait exactement, une forte dose de fer et autres éléments nécessaire à la création de l'hémoglobine, je crois,mais je ne me souviens plus vraiment. En règle générale, chacune était soucieuse de m'expliquer la nature et l'objectif des diverses substances que l'on m'administrait, et de tout les soins que l'on me prodiguait. Je n'ai pas retenu grand chose. Le fait qu'elles aient toutes la même version suffisait à m'assurer que tout cela avait un sens, et de toute façon je m'abandonnais totalement entre leurs mains. Et lorsque la douleur m'arrachait un cri, des pleurs, elles cherchaient milles solutions pour m'ôter cette peine, même lorsque je ne le demandais pas expressément. Et à cause de ce traitement, ma tension devait être vérifiée toutes les quinze minutes, si bien que j'étais relié à la machine en permanence, et durant plus de douze heures le brassard du tensiomètre gonflait, comprimant mon bras, ponctuellement à chaque quart d'heure.
L'effet secondaire de ce traitement fut une migraine terrible, à me tordre dans mon lit, et les infirmières désarmé ne pouvait plus m'administrer d'anti-douleurs. Le sommeil était mon seul salut. En début de nuit, je fis pris de nausées et je vomis dans mon lit, n'ayant eu le temps d'appeler l'infirmière de garde. Mais elle arriva à temps pour la deuxième tournée. J'avais toujours mal à la tête. Il me fallu me lever, avec toujours la même difficulté, et me m'asseoir sur la chaise pendant qu'elle refit mon lit. Je fus pris d'une violente crise de larmes qui était surtout un gros craquage.
La nuit se déroula ensuite sans autre incident, dans un sommeil paisible.
Mardi, au réveil, les deux infirmières du matin m'annoncèrent qu'elles allaient, après le petit déjeuner, me libérer de toutes mes entraves. Intraveineuses, sonde urinaire, mèche vaginale, drains, pansements divers. Heureux de cette nouvelle, je redoutais cependant l'enlèvement de la sonde urinaire, qui me gênait à chaque mouvement et avait déjà causé de vives douleurs; j'ignorais qu'elles n'étaient rien en comparaison de ce qu'allait me faire vivre la mèche vaginale.
Si jamais je devenais acteur, et que je devais interpréter une scène d'accouchement emplie de douleurs et de hurlements, je me servirais de cette expérience. Il faut d'abord que j'explique ce qu'est cette mèche: c'est une bande de tissu, large de 3 cm environ, longue comme la distance Terre-Lune (non je n'exagère pas ! à peine...), avec laquelle on bourre le vagin (il n'y a pas d'autre mot) pour éviter les saignements dus à la plaie suturée située au fond, à la manière d'un compresse. Eh bien, après avoir enlevé ma sonde urinaire, ce qui fut juste fort désagréable, il était l'heure d'enlever la compresse. 9h30. Pour cela, une seule solution: tirer sur la mèche.
J'aurais dû me méfier lorsqu'avant de commencer, une infirmière se tint à mes côtés, et me donna la main. Que je broya aussitôt. Celle qui tirait fit le mouvement plus doux, plus lent. La deuxième se mit à verser de l'eau en continu sur mon entrejambe, pour humidifier la mèche. La déchirure que j'avais ressenti se remplaça par une douleur à peine moins intense, toute aussi insupportable. Le problème venait du fait que je ne lubrifiais plus du tout, et le tissu raclait mes parois vaginales. Comme si l'on avait introduit durant mon anesthésie une lime à métaux dans mon vagin et que l'on tentait à présent de la retirer.
Etant en train de souffrir le martyr sur un lit d'hôpital, les jambes écartées, pendant qu'on essayait d'extraire quelque chose de mon vagin, j'avais déjà en tête la comparaison avec un accouchement, et je me disais que c'était pénible, mais qu'il fallait en passer par là, que la fin était proche. À chaque fois que mes cris se transformaient en hurlements, elles arrêtaient leurs manoeuvres, le temps que je me calme, et on recommençaient tous: l'une à arroser, l'autre à tirer, moi à crier. Et tout d'un coup, j'eue encore plus mal. En fait, ce n'était que le début, car voici que venaient les noeuds. Parce qu'il fallait faire des noeuds à cette foutue mèche pour qu'elle remplisse au mieux sa fonction. Et forcément, cela passait encore plus difficilement... 3L d'eau avaient déjà été versé sur mon sexe, et ce n'était que le début... Finalement, elles coupèrent toute la partie de tissu déjà extraite. Il était 10h15. À 10h30, on m'enleva le drain. Douleur, douleur, douleur... C'était le mot phare de cette matinée. J'ai senti distinctement le tuyau traverser mon ventre pour sortir.
À 11h, une infirmière se présenta avec une solution, ou plutôt un palliatif à la douleur: une énorme seringue munie non pas d'une aiguille mais d'un long tuyau, avec laquelle elle injecta de l'eau directement au fond de mon vagin afin d'humidifier la mèche et de rendre moins douloureux son passage. Il me fallu attendre un quart d'heure, le bassin surélevé, les jambes écartées, afin que l'eau imbibe bien le tissu au lieu de s'écouler, puis on recommença. Arroser, tirer, crier... certes moins fort. Et puis rapidement, les bénéfices de cette opération diminuèrent, et la douleur redevint aussi vive.
À 11h45, un médecin arriva, un grand noir que je n'avais jamais vu avant, et que je ne reverrais jamais après. Cette intrusion fut la seule qui me gêna, durant toute cette hospitalisation où nombre de gens passèrent devant mon entrejambe ou y firent quelques soins. Parce que c'était un homme (tous les autres -gynéco, infirmières, aides-soignantes- furent des femmes), entré sans frapper, sans se présenter, au moment où j'étais le plus faible, où je me sentais le plus nu... Mais bon, je n'étais pas en état de manifester une quelconque pudeur, et il avait une solution. On me fit une autre injection vaginale d'eau, cette fois-ci couplé à de la bétadine. Et ce fut un succès.
Il était 12h20 et, putain, j'étais libre. J'étais toujours faible, j'avais encore mal et beaucoup de difficultés à me lever mais mon corps était libéré de tout - tuyaux, compresses...-.
Même si je suis resté à l'hôpital jusqu'à jeudi, c'était la fin de l'hospitalisation tel que je l'entends, lorsque tu es totalement dépendant pour les soins, pour la toilettes, pour manger, boire et pisser...À partir de là vint le temps de la convalescence: les infirmières ne faisaient plus que vérifier l'état de mes constantes vitales, et me donner des ampoules et quelques comprimés -principalement pour soigner mon anémie-, et pour passer prendre de mes nouvelles de manière professionnelle, à chaque relève... Et aussi de façon plus informelle, car quelques unes m'ont prises en affection. Peut-être était-ce parce que j'étais le seul patient masculin du service de gynéco, peut-être quelques unes ont été touchés par ce qu'elles appelaient mon "combat", non pas mon hospitalisation mais l'ensemble du processus de passage de fille à garçon, sur lequel elles m'interrogeaient parfois, avouant être totalement étrangères au sujet... Elles ont senti ma détresse les premiers jours et mon amertume, cette tristesse mêlé de colère, principalement dirigé contre moi-même et ma bêtise; à être ainsi cloué au lit pour n'avoir pas su me ménager, pour n'avoir pas respecté ma convalescence, à cause de cette opération dont je n'avais même pas besoin, médicalement parlant... Peut-être, aussi, étais-je tout simplement un patient aimable.
Ce qui est sûr, c'est que je n'ai pas manqué d'amour ! Que ce soit les visites de la famille, cette carte de mes neveux et petits cousins, avec des pétales de fleurs collées dessus, où tout le petit monde présent à la campagne a signé, y compris les voisins, et ma meilleure amie qui a pris le train de Paris pour me voir 2h, et me montrer les photos de notre séjour à New-York et de son road-trip ! Ainsi que les témoignages d'affection des infirmières et aide-soignantes donc, l'une passant me dire aurevoir et "courage pour la suite" alors même qu'elle ne travaille plus dans ce service ce jour-là, l'autre à ajouter à mon plateau repas une belle tomate mûre, juteuse, de son jardin, qui a été la meilleure chose que j'ai mangé de tout ce séjour (en même temps cela n'est pas difficile de concurrencer la bouffe de l'hosto !)...
Aurélie, qui est passée me voir mardi après-midi, m'a trouvé bien jaune ! Mais le soir même l'infirmière qui passait faire son tour de garde était contente de me voir en bien meilleure forme que la veille, et de fait j'ai vite commencé à me rétablir. Mercredi s'est écoulé tranquillement et je suis sorti jeudi, avec des prescriptions de médicaments et d'analyses à faire à la fin du mois.
Deux jours plus tard, je continuais ma convalescence en Corse, car "quitte à devoir rester allongé autant l'être sur un transat au soleil", et en une semaine j'ai bien repris des forces, sans bien sûr retrouver une forme olympique. Naturellement, j'ai fondu, au niveau des graisses (un peu) et des muscles (beaucoup); j'ai perdu 3 kg, tombant à 47 ! Un coup de vent peut m'emporter !

Convalescence en Corse (la preuve avec mes cachetons sur la langue !)
Je raconte tout cela, dans les détails, d'abord parce que je m'emmerde profondément (ma convalescence m'obligeant à rester inactif) et ensuite, surtout, pour me souvenir et témoigner de ma bêtise, que dis-je, de la profondeur abyssale de mon inconscience, et détourner toute personne voulant faire de même - ne pas respecter un temps de convalescence conséquent après une opération chirurgicale -. Parce que, comme vous pouvez le constater dans le précédent post, tout s'était très bien passé. L'opération, le réveil, l'hospitalisation... Comme sur des roulettes. Des douleurs bénignes, une remise sur pieds rapide... Comparé à ce que j'ai enduré ensuite... C'est trop con.
Maintenant, j'ai quelques reproches, tout de même, à faire au chirurgien qui m'a opéré à Asnières. Un minimum de bon sens m'aurait évité de commettre les erreurs qui m'ont conduites aux urgences, de fermes mises en garde de sa part également. Lorsque l'on a un patient qui tente de se lever dès son retour du bloc opératoire (et qui se lève ! et qui va aux toilettes !), qui dort sur le ventre la première nuit..., bref, un patient turbulent, on le prévient des probables conséquences de ses gestes et de son agitation. Pour ma mammectomie comme pour ma greffe du tympan, il y a 5 ans, j'avais eu, écrit noir sur blanc, les étapes de ma convalescence, à partir de quel moment je pouvais faire telle chose ou reprendre telle activité. Sorti de mon hysté, je n'avais en tête qu'une faible recommandation, celle de garder le repos, un temps indéterminé. Partant à la campagne le surlendemain, j'ai demandé au Docteur si je pouvais aller à la piscine: "Ah non, attendez tout de même 5 à 7 jours." Les infections, tout ça... Au village, et par pur hasard, une voisine et amie de la famille a eu la même opération, deux jours avant moi. Je lui ai demandé si son chirurgien lui avait fixé des interdits, mais non, elle fut également lâché dans la nature, avec un rendez-vous pour la rentrée. Si bien qu'à partir du moment où tout allait bien, où je n'avais plus mal, où je ne saignais plus, je n'ai pas réfléchi plus loin...
Mais ce n'est pas la première chose que je lui dirais à la rentrée. Je lui demanderais d'abord pourquoi ne m'a-t-il pas prévenu que la clinique fermait tout le mois d'août ? À ma sortie de l'hôpital, le Dr a lâché cette phrase usuelle : "Et puis si vous avez le moindre problème, vous m'appelez.". Tout en sachant qu'il serait, ainsi que sa secrétaire, en vacances en août. Ayant été opéré le 21, sorti le 22, je n'avait donc le droit de rencontrer de problème que les 9 premiers jours de ma convalescence. Surtout, ce n'était pas lui seulement qui était en vacances, mais l'ensemble du centre chirurgical d'Asnières. Fermé pour un mois. J'étais aux urgences, les jambes encore écartées sur les etriers, perdant mon sang sous les yeux de la gynéco qui me demandait le nom de mon chirurgien, son numéro -que je n'avais pas-, sa spécialité -que j'ignorais, l'hôpital -je lui ai donné le nom-,... et qui recherchait, à partir de ces informations, à récupérer mon compte-rendu opératoire. Qu'elle ne put obtenir, puisqu'au final, après avoir trouvé un numéro de téléphone, elle se heurta à un répondeur, et un renvoi vers un hôpital, qui traitait les urgences certes mais n'avait aucun accès aux dossiers du centre d'Asnières. Une impasse, du temps perdu, et Dieu sait que j'ai vu le temps s'écouler ce jour là, à la mesure du sang entre mes jambes...